L'étrange empoisonnement - Kyiv soupçonne Moscou d’être derrière l’empoisonnement de l’épouse du chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov.

Publié le 24 décembre 2023 à 12:09

L’Ukraine soupçonne depuis novembre dernier la Russie de l’empoisonnement de l’épouse du chef du renseignement militaire ukrainien (le GUR), Kyrylo Boudanov. "C’est l’hypothèse principale", a indiqué un porte-parole de cette structure, Andriï Ioussov.

 Ce dernier assure qu’il s’agissait d’un empoisonnement délibéré aux métaux lourds, "notamment, mercure et arsenic", et non d’un accident. Selon Andriï Ioussov, c’est bien Marianna Boudanova et non son mari, qui "était la cible". "Il est tout simplement impossible d’atteindre directement le commandant Boudanov de cette manière", a estimé le porte-parole.

Marianna Boudanova, qui conseille le maire de Kiev Vitali Klitschko, a été hospitalisée. "il y a plus d’une semaine", avait ajouté Andriï Ioussov. Il est en revanche impossible pour l’instant d’établir la date exacte de l’empoisonnement car "l’attentat a peut-être été prolongé dans le temps", a fait valoir le porte-parole. Des analyses ont révélé qu’elle avait dans son organisme des traces de métaux lourds qui "ne sont pas utilisés dans la vie courante ou dans les affaires militaires". "Leur présence peut indiquer une tentative délibérée d’empoisonnement", selon une source au sein du renseignement citée par le site d’information Babel.

"De toute vraisemblance", le poison a été délivré "avec la nourriture", a ajouté une source au sein des forces de l’ordre citée par le site ukrainien Ukraïnska Pravda. "Elle se sentait mal, donc des analyses médicales ont été faites et celles-ci ont montré un empoisonnement", a-t-elle assuré, affirmant que Marianna Boudanova se sentait mieux et avait fini "la première étape du traitement". Andriï Ioussov a confirmé les informations de presse selon lesquelles les traces de métaux lourds avaient été par ailleurs découvertes chez "plusieurs" collaborateurs du renseignement militaire, sans donner d’autres détails.

Kyrylo Boudanov a indiqué en août 2023 que son épouse vivait avec lui "dans son bureau de travail"et ne le quittait jamais pour des raisons de sécurité. La Russie n’a pour l’heure pas réagi à ces accusations.


Boudanov, une figure médiatique

Derrière cet acte, c’est en réalité Kyrylo Boudanov qui était visé. Façon indirecte de le punir et de lui saper le moral.  Cet homme de 37 ans a acquis une aura presque légendaire depuis le début de l’invasion russe en Ukraine. Comme le président Volodymyr Zelensky, il fait partie de la jeune génération qui a peu connu l’URSS communiste, disparue en décembre 1991 et remplacée par la Fédération de Russie en apparence démocratisée.

 Il dirige le département du renseignement militaire au sein du ministère de la Défense ukrainien depuis 2020, et cette structure est considérée comme responsable de plusieurs attaques contre la Russie depuis le début de l’invasion russe en février 2022. Les autorités russes l’accusent notamment d’avoir organisé en octobre 2022 l’attaque qui a partiellement détruit le pont reliant la péninsule ukrainienne de Crimée, annexée par Moscou, à la Russie. Il a réussi à faire piéger à l’insu de son chauffeur un camion russe qui traversait le pont et à faire commander l’explosion à distance. Le contrôle du camion par les gardes russes n’avait rien donné.

Il fut aussi une des rares personnes au monde à connaître la date probable de l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022. Il a sans doute des informateurs parmi les officiers de l’armée russe. La veille du déclenchement de l’invsion, il avait décidé de mettre sa famille à l’abri, anticipant l’attaque imminente. Il confiera plus tard au Washington Post que "lui et sa femme avaient fixé toute la nuit du 23 au 24 février l’horloge avec angoisse des heures durant. Finalement, l’attaque russe a bien lieu dès 4 h du matin", comme il l’avait prédit. Mais le chef du renseignement militaire ukrainien ne dispose pas de boule de cristal. La preuve, lorsque, en février 2023, il déclara au journal français Le Monde: "Nous nous approchons de la fin de la guerre en Ukraine", affirmant que les Russes n’avaient plus de "potentiel offensif". C’était trop optimiste. La guerre dure encore.

Le chef de l’espionnage ukrainien est passé maître dans l’art de la communication. Le 11 juin 2023, il publia une vidéo de lui, plan fixe, ou il ne parla pas pendant trente secondes. Après cette demi-minute, l’écran indiqua simplement : "Des évènements sont à venir", puis "Les plans aiment le silence". Le président russe Poutine qui tenait tellement à son pont de Crimée doit lui en vouloir à mort. Il s’est vengé comme le font les mafiosi, en essayant de tuer sa femme pour le faire souffrir et amoindrir son énergie combative.

 

(Par Associated Press avec Agence France Presse. Publié le 29/11/2023 – nous publierons dans nos prochaines éditions d’autres articles sur les attentats au poison des services secrets russes. En l’occurrence, l’assassinat semble avoir échoué grâce aux médecins).

 


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